« Dans le mur, à grande vitesse »
Tribune de Noël Mamère, Sud Ouest, 13 octobre 2015 –
Les mauvaises idées ont la vie dure ! Comme le Phénix, elles peuvent renaître de leurs cendres. À quelques semaines des élections régionales, ne reculant devant aucune démagogie, le gouvernement a décidé de rouvrir le dossier des lignes à grande vitesse (LGV) en direction de Dax et de Toulouse, emblématiques des grands projets inutiles et imposés.
Inutiles, parce que toutes les études indépendantes démontrent que ces infrastructures n’apporteront aucune réponse sérieuse au problème du transport des marchandises par les camions, ne seront accessibles qu’à des catégories sociales aisées et déménageront le territoire en créant de véritables petits déserts français… Tout cela au nom de la vitesse, devenue l’alpha et l’oméga de nos sociétés dites modernes et pour satisfaire les ego de quelques élus ne rêvant que d’autoroutes, de ponts, de « grands projets », pour laisser une « trace » que les générations futures vont devoir payer au prix fort.
La démesure est en marche, et rien ne semble pouvoir l’arrêter tant l’oligarchie régnante regarde le XXIe siècle avec les yeux du XXe. Au nom de cette conception archaïque du progrès, technocrates et politiques imposent aux populations des choix dont elles ne veulent plus.
La commission d’enquête publique n’avait-elle pas émis un avis défavorable dans son rapport du 27 mars dernier, en s’appuyant sur une large contribution populaire ? Ladite commission qui parlait d’un « projet onéreux, ne répondant pas à un réel besoin et dont la rentabilité économique est plus qu’incertaine ».
Au moment où les citoyens font preuve d’une défiance sans précédent à l’égard des politiques, le gouvernement ne trouve rien de mieux que cette nouvelle provocation.
La société civile – associations, agriculteurs, habitants et élus locaux – est aujourd’hui écœurée par ces pratiques brutales, qui montrent bien à quel point le monde politique s’est éloigné du monde réel. Comme s’il se trouvait hors-sol.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que de plus en plus de citoyens choisissent l’abstention ou les délices empoisonnées de l’extrême droite.
Le mal court et gagne le corps social, tandis que les politiques s’obstinent à regarder une France qui n’existe plus ; les Trente Glorieuses, c’est fini, et le bonheur par procuration aussi.
Toute personne un peu informée sait que ces projets ne se réaliseront jamais, faute de moyens. L’économie vaincra les politiques. Alors pourquoi sortir ces épouvantails du placard ? Toute personne un peu informée sait qu’existent des solutions alternatives moins coûteuses, plus respectueuses de l’environnement et des territoires et qui donnent la priorité à l’égalité de tous dans les déplacements.
Car la menace que ce projet fait peser sur notre territoire est réelle : ce sont non seulement notre agriculture, notre viticulture et nos forêts qui sont concernées, mais c’est aussi notre écosystème dans son ensemble, c’est-à-dire des bassins de vie qui risquent d’être rayés de la carte demain.
Associations, habitants, élus locaux, agriculteurs, viticulteurs, vont donc reprendre le combat, comme ils l’ont fait pendant des années pour démontrer l’absurdité de ces projets.
Nous serons encore à leurs côtés et nous nous battrons avec eux pour faire triompher la raison et pour préserver l’avenir de nos territoires, qui méritent mieux que cette insulte au bon sens.