Le diesel, scandale d’Etat : combien de temps pour sortir la France de cette erreur majeure ?
Atlantico, 18 mars 2014 –
Noël Mamère a déclaré que « le diesel est un mensonge d’Etat ». Voilà en quoi il a raison.
Atlantico : Les récentes déclarations de Noël Mamère relancent les interrogations sur le diesel. En quoi le diesel est-il, comme il le dit, « un mensonge d’Etat » ?
Thomas Porcher : Le diesel est un mensonge d’Etat car c’est un produit avantagé fiscalement malgré un caractère nocif reconnu depuis longtemps. Déjà en 1988, le CIRC (centre international de recherche sur le cancer) avait noté que le diesel était dangereux pour la santé. En 2003, après des années de débats et d’études, Tokyo interdisait le diesel en ville. La réalité, c’est qu’il y a eu de nombreux rapports avant le fameux rapport de l’OMS de 2012 et qu’en France, les gouvernements de gauche comme de droite ne pouvaient pas les ignorer.
Pourquoi peut-on parler d’erreur stratégique majeure ?
Thomas Porcher : L’erreur stratégique provient surtout du comportement des différents gouvernements qui ont préféré appliquer la politique de l’autruche alors même que partout dans le monde des rapports montraient la dangerosité du diesel. Il faut que chacun comprenne que la diésélisation du parc automobile ne s’est pas faite du jour au lendemain, cela a été un long processus. Par exemple, en 1993, les voitures diesel représentaient seulement 33% des achats, puis en 2000, 50% pour atteindre le pic de 77% en 2008, les politiques sont restés les bras croisés pendant que la part du diesel augmentait année après année. Or, il aurait été beaucoup plus simple et moins douloureux pour les consommateurs d’entamer un rééquilibrage progressif pendant les années 90. Pourquoi les politiques au pouvoir ne l’ont pas fait ? Ont-ils plus écouté les lobbies des constructeurs automobiles que les différents organismes mettant en lumière la dangerosité du diesel ? En tout cas, rien n’a été fait et personne ne peut justifier l’avantage du diesel, un produit plus nocif qui, sans les taxes, est plus cher.
Alors que le caractère cancérogène des particules émanant des moteurs diesel est identifié depuis la fin des années 80, qu’a attendu et qu’attend encore le gouvernement pour prendre des dispositions à l’encontre du diesel ? Pourquoi rien n’a freiné la diésélisation du parc automobile français ?
Thomas Porcher : Le problème est qu’aujourd’hui, le gouvernement est dans une position difficile. Il y a 65% de véhicules diesel en circulation et l’année dernière, les ventes de diesel ont représenté 67% des ventes. Au final, un réajustement de la fiscalité frapperait le porte-monnaie de la majorité des gens et serait perçu comme une punition après plus de vingt ans d’incitation à l’achat du diesel. Alors même qu’il était très simple de le faire dans les années 90, la situation est aujourd’hui plus compliquée et extrêmement dangereuse d’un point de vue électoral. Mais la faute est à partager avec l’ensemble des gouvernements des 20 dernières années qui ont probablement plus écouté les lobbies des constructeurs automobiles que les organisations de santé. Aujourd’hui, il y a urgence et il faut agir vite, au moins en stoppant les achats de diesel pour les années à venir.