Parlementaires en prison

Sud Ouest – 12 avril 2014 –

À l’initiative d’étudiants, deux députés et une sénatrice se sont rendus à la maison d’arrêt pour dialoguer avec des détenus.

Les jeunes bénévoles du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi) ont écrit aux parlementaires en fin d’année dernière pour les convier à une visite de la maison d’arrêt de Gradignan. « Nous avions bon espoir qu’ils acceptent », confient Justine Morin, Marion Lajus et Célia Genest, à quelques minutes d’accueillir la sénatrice Françoise Catron et les députés Sandrine Doucet (1re circonscription) et Noël Mamère (3e circonscription).

« Notre but est d’œuvrer en faveur du décloisonnement des institutions carcérales pour recréer un lien entre la société et les personnes détenues, expliquent les trois jeunes filles du Genepi. Nous militons pour le respect de leurs droits et pour qu’elles aient des conditions d’incarcération dignes. »

Hier, Françoise Cartron, Sandrine Doucet et Noël Mamère ont donc été confrontés à la vie qui se joue derrière les murs de Gradignan. L’élu de Bègles avait déjà eu l’occasion de franchir les lourdes portes verrouillées à double tour lorsqu’il faisait partie de la commission d’expertise sur les prisons, en 2000. « Laurent Fabius était président de cette commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises », dit-il aux quatre détenus qui se sont portés volontaires pour dialoguer avec les parlementaires.

Coupés des familles

Les échanges se font à bâtons rompus dans l’amphithéâtre du bâtiment B où sont écroués les mineurs et les détenus condamnés. Au premier rang, Michael attend sa sortie pour la fin du mois de juillet prochain. Cet ouvrier du BTP, qui a toujours travaillé, a replongé pour avoir outragé et s’être rebellé face à des policiers. « Je le reconnais, je suis nerveux mais j’en ai pris pour 8 mois. J’ai une femme, des enfants, un boulot, un logement et je suis là. J’aimerais pouvoir bénéficier d’un aménagement de peine mais le service pénitentiaire d’insertion et de probation est débordé. »

Samir, de Floirac, estime que c’est « difficile de trouver du travail, surtout quand on sort de prison ». Les parlementaires l’invitent à préparer sa sortie. « Ma fille est née il y a un mois et je ne l’ai pas encore vue, répond Samir. On nous coupe de nos familles. »

Fabien, adolescent, prépare un CAP de boulanger-pâtissier « mais ici, il n’y a que trois profs » et il préférerait « être en foyer plutôt qu’en prison ». Ses codétenus racontent qu’à Gradignan il y a un « petit » de 14 ans. « Il n’a rien à faire ici. Les mineurs au contact des majeurs ne grandissent pas normalement. » « L’idée est de favoriser les alternatives à la prison », explique Noël Mamère qui rappelle que le projet de réforme de la loi pénale qui devait être examiné en début de semaine prochaine par l’Assemblée nationale ne le sera finalement qu’au mois de juillet.

Pas un comte de fées

Les détenus sont sceptiques et pensent que la réforme Taubira ne changera pas grand-chose. « Nous nous sommes battus contre la mise en place des peines plancher voulues par Sarkozy qui ne permettaient pas d’individualiser la peine », rappellent les parlementaires.

« De toute façon, si le juge ne t’aime pas, il te fait plonger », glisse Kevin qui attend désespérément sa sortie pour retrouver son épouse et ses jeunes enfants. « Parce que la prison, ce n’est pas un comte de fées. » Les parlementaires l’ont réalisé à l’occasion de leur visite d’un peu plus de deux heures.

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