Pour Noël Mamère, « à gauche, tout est à reconstruire »

Le Monde, 23 septembre 2015 –

« Une manipulation, il n’y a que les imbéciles pour y croire. «  Invité mercredi de l’émission Questions d’info sur LCP en partenariat avec Le Monde, France Info et l’AFP, Noël Mamère a opposé une fin de non-recevoir à la consultation citoyenne proposée par le premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis avant les élections régionales de décembre, pour tenter de ressouder la gauche.

« C’est du bidon, ça ne changera rien du tout. Cambadélis me fait penser au mécano de la Générale. Il invente une petite combine politicienne pour montrer du doigt les écologistes et dire : Les vilains, c’est à cause d’eux que Mme Le Pen risque de devenir présidente de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Mais vous avez vu ce qu’ont donné cinquante ans de socialisme de notables, de petits barons, et de grands barons ? 

Le député et maire de Bègles, ancien candidat écologiste à la présidentielle, analyse froidement la décomposition de la gauche : « Tout est à reconstruire pour retrouver l’adhésion des citoyens et ça ne se fera pas par le haut, par les appareils mais par le bas. » Selon lui, « petit à petit, la droite extrême a contaminé la droite républicaine et aujourd’hui, il y a une sorte d’hégémonie culturelle que symbolise Mme Le Pen. »

La longue descente aux enfers d’EELV

Un rien désabusé, l’élu observe : « J’ai 66 ans, je vois la nouvelle génération arriver, les trentenaires, mais qu’ont-ils fait, tous ces responsables que vous interviewez ? Ils ont été lycéens et étudiants dans les manifs. Après, ils sont devenus assistants parlementaires. Ils ont été fabriqués par les appareils ; ils ont vécu dans le hors-sol. Or, pour changer le monde, il faut savoir regarder le monde tel qu’il est. »

Noël Mamère n’est guère plus tendre avec Europe-Ecologie-Les Verts dont il a claqué la porte en 2013. « C’est une longue descente aux enfers qui a commencé par un immense espoir, observe-t-il. Nous avions fait entrer massivement, dans une préfiguration de ce qu’est devenu Podemos en Espagne, des personnalités de la société civile : une juge, Eva Joly, un faucheur volontaire, José Bové, un directeur des campagnes de Greenpeace France, Yannick Jadot, une responsable de France nature environnement, Sandrine Bélier, un responsable de la fondation Nicolas Hulot, etc… L’appareil des Verts, que j’ai appelé la firme, a empêché la réussite de la coopérative pour garder la main et conserver le pouvoir sur le parti. A partir de là, tout s’est effiloché. »

Si Cécile Duflot se porte candidate à l’élection présidentielle en 2017, Noël Mamère la soutiendra parce que, dit-il, « il y a toujours eu un candidat écologiste à l’élection présidentielle depuis 1974 » et que « ce ne sont pas les candidatures écologistes qui favorisent le Front national. » S’il refuse d’employer le mot « trahison », il juge que la politique de François Hollande n’est pas conforme aux engagements pris : « La problématique de l’écologie ne figure pas au cœur des politiques publiques » déplore-t-il.

Alors qu’une partie des écologistes est tentée par une alliance avec le Front de gauche, Noël Mamère se raidit : « Nous n’avons pas à nous définir par rapport à Mélenchon. Quand il nous explique que s’il avait à choisir entre l’Europe et la souveraineté ou le souverainisme, il choisirait le second, je ne suis pas d’accord. Moi, je suis un européen convaincu, comme tous les écologistes. »

Pour le député-maire de Bègles, « le clivage politique aujourd’hui ne porte pas sur nos petites histoires mesquines d’Europe-Écologie-Les Verts mais sur l’euro, sur l’Europe ». Et de dénoncer avec force le « comportement de gens qui, comme Jacques Sapir, osent proposer un front de libération qui irait de l’extrême gauche jusqu’à l’extrême droite. »

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