Valls montre les crocs face à Mamère : « Vous ne comprenez rien ! »

VSD, le mercredi 13 janvier 2016, par Luca Andreolli –

Manuel Valls a décidé de faire cava­lier seul pour défendre devant le parle­ment la réforme consti­tu­tion­nelle, épar­gnant Chris­tiane Taubira qui ne soutient pas la déchéance de natio­na­lité. Il doit désor­mais affron­ter toutes les critiques. Hier, il a remis en place Noël Mamère.

La défense du volet sur la déchéance de la natio­na­lité vaut à Manuel Valls des attaques à couteaux tirés, en parti­cu­lier dans l’hé­mi­cycle. Depuis le 23 décembre, date à laquelle François Hollande a réaf­firmé son inten­tion de révi­ser la Cons­ti­tu­tion et de bien intro­duire la déchéance de natio­na­lité pour les bina­tio­naux nés Français condam­nés pour des actes de terro­risme, c’est son premier ministre qui hérite le plus large­ment de ce dossier épineux, divi­sant une nouvelle fois la gauche et récon­for­tant la droite, voire l’ex­trême droite. A l’as­sem­blée natio­nale, le numéro 1 du gouver­ne­ment se démène face à des vagues d’in­di­gna­tions émanant de partout et sur des registres diffé­rents.

Témoin de cette navi­ga­tion en eaux troubles : la séance parti­cu­liè­re­ment houleuse de ques­tions liées à l’ac­tua­lité d’hier. Manuel Valls a été inter­pellé vive­ment par Noël Mamère, et a dû encore montrer les crocs. Le député écolo­giste a tenu à faire part de son « indi­gna­tion devant la dérive sécu­ri­taire » qui a suivi les atten­tats de Paris et a dénoncé des posi­tion­ne­ments qui divisent plus qu’ils ne rassemblent. Il a notam­ment déclaré : « Après le tour­nant social-libé­ral, les aven­tures mili­taires, vous êtes en train d’en­fon­cer un clou de plus sur le cercueil de la gauche ». Avant de pour­suivre : « Pour satis­faire de misé­rables calculs poli­ti­ciens, vous vous apprê­tez à toucher à notre loi fonda­men­tale, en y intro­dui­sant la déchéance de natio­na­lité. Avec un cynisme sidé­rant, vous êtes en train de recy­cler une obses­sion de l’ex­trême droite et vous légi­ti­mez sa logique xéno­phobe en la faisant entrer par la grande porte ».

 

 

Une envo­lée qui a fait sortir de ses gonds le premier ministre, qui s’est néan­moins efforcé de garder une élocu­tion claire et calme. Il a rappelé le besoin de sécu­rité des citoyens français face au terro­risme et a justi­fié l’in­ter­ven­tion­nisme en Afrique et au Proche-Orient, avant de répliquer plus préci­sé­ment avec une extrême sévé­rité : « Nous connais­sons vos outrances (…) Monsieur Mamère, vous êtes toujours en dehors de la réalité. Vous ne compre­nez rien, ni à la France, ni à la gauche ». Une réponse formu­lée sur un ton cinglant et volon­tai­re­ment provo­ca­teur, qui a fait dire à Noël Mamère à sa sortie de l’hé­mi­cycle : « J’ai trouvé que c’était très petit. Mais cela prouve bien que j’ai mis le doigt là où ça faisait mal…»

Manuel Valls le sait, il va devoir se montrer ferme face aux détrac­teurs du texte révi­sant la Cons­ti­tu­tion, sans pour autant lais­ser trop de marge de confort à la droite, qui demande depuis déjà près d’un an la mise en place concrète de l’ex­ten­sion de la déchéance de natio­na­lité. L’op­po­si­tion ne laisse cepen­dant pas le temps au premier ministre de respi­rer. La droite critique vive­ment le fait que l’exé­cu­tif ait mis la défense du texte entre les mains deChris­tiane Taubira, qui a dit à plusieurs reprises qu’elle n’était pas en accord avec plusieurs chapitres, renvoyant ainsi le gouver­ne­ment à ses inco­hé­rences.

Une posi­tion incon­for­table, qu’il a fallu tran­cher : Valls a fina­le­ment annoncé aux dépu­tés socia­listes qu’il soutien­dra lui-même la réforme consti­tu­tion­nelle au parle­ment à partir du 4 février, Taubira héri­tant seule­ment de la réforme de la procé­dure pénale. Un arbi­trage qui n’éteint pas la polé­mique pour autant. Les Répu­bli­cains demandent toujours que la ministre soit démise de ses fonc­tions. Hier encore, le vice-président délé­gué du parti,Laurent Wauquiez, a déclaré : « Il faut arrê­ter ce cinéma. On ne peut pas être Garde des Sceaux à la carte. Soit Madame Taubira est d’accord avec la déchéance de natio­na­lité et évidem­ment c’est à elle de la défendre dans l’hémi­cycle, soit, si elle n’est pas d’accord, elle part. Pour moi, Madame Taubira est révé­la­trice d’une classe poli­tique, notam­ment à gauche, qui n’a pas compris ce qui se passait dans le pays et ce qui se joue avec le terro­risme ».

Manuel Valls aura l’occa­sion de défendre sa posi­tion samedi soir prochain. Il sera l’invité de Laurent Ruquier sur France 2, dans l’émis­sion « On n’est pas couché ».

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